Avant que je ne l'oublie

Etes vous allé, il y a 2 semaines déjà, rue de Lubeck à "l'hommage" que rendaient à Yvon Lambert quelques illustres artistes vivants de sa galerie et d'ailleurs? Parce que ce qui caractérisait l'évènement, outre qu'on avait la curieuse impression que les dits artistes s'étaient passablement contentés de faire les fonds de tiroir, c'était justement qu 'il n'y avait pas grand monde. On cherchait la foule qui se pressait à quelques encablures, au Palais de Tokyo par exemple et qui aurait pu y faire un saut. La foule aussi des vernissages d'Yvon Lambert où on se croyait à l'entrée, presque sur les marches du Palais des festivals et au soldes du Printemps à l'intérieur, avec les biquets s'y selfant dans ce qui servait de vestibule et une certaine génération d'artistes fatigués, en tournée de vernissages, s'y bécotant lourdement - ai je suffisamment bloqué le passage pour que l'on me remarqua? - avant qu'ils ne visitassent avec les cabas.
Dès qu'il annonça son retrait, son pouvoir d'attraction - son pouvoir tout court, disparurent d'un coup, mais voyez vous ce n'est pas pour Yvon Lambert qu'il faut s'en attrister. Je me souviens d'avoir croisé le Monsieur seul dans la rue, comme ça au hazard et qui me gratifiait parfois d'un très léger salut de la tête, moi avec qui il n'avait jamais échangé un mot. La fiac il y a quelques années et encore un vernissage où assis seul au milieu des siens de sa galerie, derrière ce qui leur servait de bureau et encore dans la foule, il me lance ce regard qui dit: je ne suis pas non plus dupe de ces potiches aux yeux de poissons crevés et ne me fais ici aucune illusion.
N'ayez pas d'inquiétude.